Nana Plazza est l’un des lieux les plus recherchés par les hommes à Bangkok. Ce lieu de plaisir mythique, situé dans le quartier festif de Sukhumvit, sur la soi (rue) 4, ressemble à un marché couvert dont le grand hall intérieur de forme ovale cerné par deux étages de coursives donne sur une place aux allures de biergarten. Une multitude de panneaux lumineux – Twister BKK, Lolipop, Angel Witch, Obsession, Spanky’s, Witchcraft, Bunny 2, Rainbow 4 – véritable kaléidoscope de couleurs où le rouge prédomine, indique les noms des clubs de strip et bars à nanas présents aux étages, une trentaine au total, réunis là dans une étonnante concentration.
L’accès à la place est contrôlé par un service de sécurité impressionnant, une file étant réservée aux clients entrants, l’autre aux filles dont les pièces d’identité, âge et autorisation de travail, sont méticuleusement examinés par des policiers.
À 19 heures, Nana Plazza s’éveille tandis que la nuit vient de tomber. De premiers clients, en majorité des européens, mais aussi de nombreux indiens, s’installent au biergarten pour commander une bière pression rafraichissante. Les températures journalières de ce mois de novembre sont de plus trente degrés humides, et un demi de Léo, Singha ou Chang (ma bière blonde préférée) sont les bienvenus…
Attablé sur un haut tabouret donnant sur l’entrée de la place, j’observe l’arrivée des filles vêtues « en civil ». Survêtements, T-shirts, shorts de girl next door… J’aime les voir marcher ainsi, sans apprêt, filer vers leurs vestiaires, puis s’installer le long des coursives où elles vont déballer un plat cuisiné acheté à l’une des nombreuses échoppes ambulantes de la rue, tout en faisant défiler nonchalamment leur smartphone. Elles sont plus jeunes (entre 18 et 30 ans) que les hôtesses travaillant dans les bars avoisinant de la Soi 4, qui me semblent être une sorte de second marché pour trentenaires et plus…
Un monument religieux que j’ai d’abord pris pour un autel dédié à Brahma (dieu Indou de la création) du fait des multiples visages de la divinité dorée, trônant en majesté au sommet de l’autel, avant de réaliser qu’en Thaïlande il ne peut s’agir que de Bouddha, celui en l’occurence déclinant les trois visages de la sagesse (ne rien voir, ne rien entendre, ne jamais dire de mal) se trouve à l’entrée de la place. La grande majorité des filles joint les mains en prière en passant devant, fait un signe en se touchant le front, d’autres s’y arrêtent pour faire une prière, les plus pieuses enfin déposent une offrande parmi les nombreuses déjà présentes sur l’autel : nourriture, fruits bananes, mangues découpées, breuvages de couleur rubis, bâtonnets d’encens fumants, collier de fleurs orangées… Elles prient pour que leur soirée et leur nuit se passent au mieux (le travail se termine à 3 heures du matin) et surtout qu’elles fassent un bon « chiffre », nécessaire au soutien financier de leur famille.
A 19h45 une première sirène signale le début du travail. Les filles regagnent leurs loges, se maquillent, s’équipent de la tenue de combat réglementaire – string et soutien-gorge aux couleurs de l’établissement, souvent réduits à la portion congrue. A 20h00 deuxième sirène, l’ouverture des clubs est officielle. Perchées sur leurs talons démesurés, des rabatteuses sexy se postent aux entrées, ouvrent les rideaux de velours pour dévoiler aux curieux un podium illuminé où une dizaine de filles superbes se déhanchent doucement au rythme de tubes musicaux. Je reçois plusieurs coups de martinets en passant devant le bien-nommé Spanky’s, les jeunes femmes sont hilares, je suis bon public, j’hésite, alors pourquoi pas ?
Deux rangées de banquettes aux revêtements de cuir orangé font face aux podium. Perchées sur leurs hauts talons les danseuses ondulent doucement, comme s’il fallait économiser leur énergie pour tenir les 7 heures à venir. La carte que l’une d’elle me tend propose des bières, des cocktails et des alcools forts. Je reste sur ma blonde Chang à 180 bahts, dont le rapport qualité-prix me semble imbattable. Sur le podium, les danseuses défilent, changent de place toutes les deux minutes et celles qui me font face un moment, tentent de captiver mon regard, me sourient, en espérant se faire inviter à prendre un verre… La plupart sont belles, très belles même, beaucoup sont tatouées.
L’une me semble plus intéressante que les autres. Quelque chose passe dans son regard, une bienveillance qui ne se commande pas. Je lui fait signe, elle est ravie, joint les mains en prière pour me remercier, me rejoint. Après les protocolaires « What’s your name, where do you come from ?”, Koon commande un alcool fort – 250 bahts, somme toute raisonnable. Comme beaucoup de jeunes femmes venues travailler à Bangkok, elle vient de la région paysanne d’Isan, dans l’est du pays, toute proche du Cambodge. Elle trinque, se rapproche, pose une main sur ma cuisse, se fait câline. Son visage ouvert très sympathique, ses longs et épais cheveux noirs, son corps de rêve, l’énergie vitale et contagieuse de sa jeunesse, me font quelque effet, même si l’érotisme, indissociable selon moi d’une part de mystère et de distance, est ici réduit au strict minimum. Après quelques minutes, j’ai l’impression d’être venu faire mes courses dans un hypermarché plutôt que chez un traiteur raffiné. L’anglais de Koon se limite malheureusement à quelques mots, et je sens que si une agréable conclusion négociée est possible, elle est absolument sans surprise. Et même en faisant l’effort mental d’imaginer cette ravissante jeune femme souriante, aux dents blanches contrastant avec sa peau ambrée, cambrée à quatre pattes, tenant en une appétissante invite ses magnifiques fesses écartées et offertes, puis gémissante (mais qu’est ce que je raconte moi ?), je sens que je vais vite m’emmerder… Elle vide son verre, semble attendre que je lui en propose un deuxième. Je vide le mien, la remercie, lui donne un très généreux pourboire. Non, décidément Nana Plazza n’est pas pour moi, je suis bien trop compliqué, et mes théâtres érotiques Parisiens préférés me manquent déjà, notamment quelques Chochotteuses à qui j’envoie, à 10000 km de distance, de gros bissous 😉
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