Lorsque j’ai vu danser Saphir pour la première fois dans le petit caveau du Sweet Paradise j’ai cru qu’elle venait du Crazy Horse : son joli corps à la cambrure parfaite, sa coiffure fluo « crazy », ses façons très « pro » durant un effeuillage burlesque à l’américaine, épousaient en tout point les attendus du cabaret mythique. Elle en maitrisait les codes, la technique, le Bump & Grind…
La questionnant sur son parcours, Saphir me confiait effectivement venir de la scène burlesque mais préférer au « burlesque classique » à l’esthétique rockabilly, fifties ou sixties – magistralement représentée par Dita Von Teese, le « new burlesque », underground, plus libre, comique, trash, varié…
Et ce qui me frappe à chaque fois que je revois cette ravissante danseuse, c’est sa liberté, son éclectisme, les grands écarts dans ses numéros, sa capacité surprenante à mixer des registres à priori non miscibles : effeuillage, danse orientale, fantastique, horreur…, toujours érotiques.
Vêtue d’une longue cape noire, d’un bustier et d’une jupe rouge elle apparait dans la pénombre rougeoyante du petit Enfer de la Rue Marie Stuart. Un collier vermillon, pareil a une cicatrice au cou, l’air sévère, les yeux hallucinés… Elle sourit, ouvre la bouche, dévoile grand ses crocs de vampires. Se saisit d’une poche de sang de jeunes vierges et s’abreuve du liquide vital. Régénérée Saphir danse sur Born Again de Marylin Manson. Je suis frappé par son visage de possédée et ses yeux exorbités, dignes d’un film d’horreur. Elle se débarrasse de sa cape, dévoile ses ailes de chauve-souris, ôte sa jupe, son corset, nudité parfaite, se fait proche et séductrice pour mieux choisir ses proies sur « Corporate Canibal » de Grace Jones . Elle me semble à tel point « possédée » par son personnage que me saute aux yeux à ce moment le lien entre théâtre et rituel. Elle me mort au cou, délicieusement, de longues griffes menaçantes sont apparues à ses doigts, elle porte maintenant une cape rouge, Luciférienne, et disparait dans les ténèbres…
Je devine parfois en filigrane quelques influences, elle m’éclaire, la liste est longue : la série American Horror Story, l’esthétique du dancehall et du rap, les clips jamaïquains de Spice, les chanteurs Alkpote, PNL, Marylin Manson, le kitsch, l’Opéra, son fantôme, les performances « comme des tableaux » du chorégraphe belge Jan Fabre qu’elle adore…
Parfois, un numéro très personnel rend à merveille son travail, comme celui qu’elle nomme « piquant » où, vêtue d’une robe rouge ceinturée de piments et coiffée d’une cagoule opaque lui dissimulant le visage elle danse dans les profondeurs de la rue Marie Stuart. Un numéro artistique, très visuel, une succession de tableaux syncopés par les lumières et la musique rap – dont l’excellent Hoddest in my town de Killason. On se laisse entrainer par les impressions, la danseuse est comme prisonnière, son corps l’empêche, elle se défait de ses habits, ne peut ôter sa cagoule et gouter au piment, à la vie. Bloquée dans un des cercles de l’Enfer…
Saphir alterne les registres, les contrastes, elle aime surprendre, nous émerveiller.
Et ce que je retiens plus que tout de cette étonnante et superbe danseuse c’est son plaisir à être sur scène, le plaisir de nous faire plaisir, sa générosité !

Photographie de Bruno Aussillou

One reply on “Saphir”
Registre cabaret,
Coiffures Crazy,
Kitsch assurément sexy,
Ondulations orientales,
Et déhanchés,
Surprise hémoglobine,
Coulant sous les canines,
L’éclectisme…
Et quand plus tard elle m’interroge :
« Professeur ? »
Parce que Woland…
Qu’elle digresse
Sur Boulgakov,
Et Gontcharov,
Je réalise…
Combien la Marguerite,
A de pétales !
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