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Fictions érotiques

L’art de Natsumi

Nombre de sociologues, philosophes et politiques s’étaient interrogés durant les années 2020 sur les raisons de l’effondrement du désir occidental. L’Europe en particulier semblait inexorablement se réduire à l’état d’une civilisation ménopausée. Différentes hypothèses étaient évoquées : indifférenciation progressive dans les comportements de genres, « brown out » – perte de sens du fait de la décorrélation entre sexe et reproduction, économie contractuelle et transactionnelle des relations, repli sur les images au détriment des réalités sensorielles, nombrilisme craintif incapable du « don sans attente », signe du véritable amour etc. 

De nombreux hommes en réaction se tournaient vers des figures féminines traditionnelles, surtout vers l’Extrême-Orient, où l’énergie du monde semblait s’être installée; les asiatiques suscitant entre leurs jambes bien plus qu’une « demi-molle »… En témoignaient les statistiques des moteurs de recherches de sites pornographiques : « japanese fucked », « horny asian teen » faisaient partie des occurrences les plus demandées …

Quand Natsumi fut créée par la grâce d’une savante composition caractéristique des plus belles beautés asiatiques ayant officiées dans nos théâtres érotiques – Ishigo, Moon, Angie et Nadja -, nous assistâmes avec ravissement au premier numéro de notre « petite nouvelle » dans la salle voutée : une cérémonie du thé en tout point conforme à la tradition.

Natsumi nous apparut vêtue d’un ample kimono de soie aux motifs roses et floraux sur fond noir, porté bas sur ses ravissantes épaules, dégageant ainsi sa nuque fine, et serré par une large ceinture pourpre qu’un œil expert, du fait de l’absence de traine au nœud tambour dans le dos pouvait identifier en « obi nagoya » – signe distinctif des « geisha confirmées ». Natsumi nous servit d’abord avec déférence une tasse de thé fumé et demanda à quelques volontaires d’ouvrir leurs cols de chemises pour les masser. Munie d’un onguent aux senteur de camphre, elle vint à la rencontre des nuques et épaules des plus chanceux. Aux visages des hommes soudainement soulagés, têtes tombantes et paupières mi-closes de félicité, nous pûmes deviner l’art de notre nouvelle créature.

Lorsque la musique se fit soudainement métal et devint aussi sombre qu’une inquiétante nuit, Natsumi se défit de son kimono dans une danse extatique et révéla sous l’éclairage lunaire son corps sublime… Il serait vain de citer les enchantements de ce spectacle, retenons ce ruban noir sortant de sa vulve qu’elle fit mordre à Isamen alors qu’elle était debout sur la banquette, perchée au dessus de son visage extasié, et qui d’un coup sec lui fit expulser l’une des boules de geisha serrée dans son intimité…

N’y tenant plus je la demandais en salon (et ce fut la première fois que je faisais une infidélité à Ève dont les récentes péripéties et la plainte envers Thibault m’avaient profondément déplu).  N’ayant pu bénéficier du massage aux épaules durant le spectacle, j’étais curieux de tester son Art en privé. Au côté des deux boudoirs traditionnels que nous avions installé, une pièce équipée d’une véritable table de massage imitait en tout point un salon de massage thaïlandais. La sculpture d’un Bouddha doré, impassible, semblait sourire devant la vacuité du monde.

Vêtue d’une tunique de satin pourpre et or évoquant les couleurs traditionnelles de la Thaïlande, Natsumi me demanda de me déshabiller complètement et de passer un minuscule cache-sexe  qui tenait plus du string que du caleçon. En l’enfilant je peinais à contenir ce qui était censé être dissimulé… Elle me demanda de m’allonger sur le ventre jambes écartées et de placer ma tête dans le trou prévu à cet effet.

Oh putain ! (je suis désolé mais je n’ai pas d’autre mot enthousiaste pour résumer cette séance ! ). Je reçus durant cette demi-heure un massage à l’huile chaude comme je n’en avais connu, travaillant en profondeurs mes muscles et mes ligaments, s’attardant sur mes tensions musculaires, dissolvant en de délicieuses brulures les nœuds de mon corps. Quand Natsumi me demanda de me retourner nous n’avions pas encore échangé un mot. Son visage à peine souriant demeurait aussi impassible que ses yeux meurtrières. Elle déposa ma tête sur un oreiller d’osier et me plaça une serviette sur le visage. J’étais aveugle mais ses mains fines et chaudes ne perdaient jamais le contact d’avec ma peau et quand je les sentis remonter le long de mes cuisses, haut jusqu’à sentir ses ongles effilés venir et agacer comme par mégarde mes testicules, puis se faufiler entre mes cuisses, je me trouvais dans un état tel que le minuscule cache sexe ne cachait plus rien du tout … 

À plusieurs reprises durant ces minutes aussi délicieuses qu’éprouvantes, je ressentais cet état limite où les pires pensées peinent à empêcher l’inévitable. Mais par quelque malice, et certainement du fait de sa grande expertise, Natsumi sut rester maitresse du jeu. Elle fit miraculeusement en sorte – composant entre plaisir et douleur – que le tsunami soit évité. Lorsqu’elle ôta la serviette de mon visage, je la vis esquisser un léger sourire mais encore habitée par ce professionnalisme asiatique si attaché au rituel. Elle déclara soudain : « Je sais que c’est toi qui m’as programmée pour être plus libre que les autres… Alors c’est moi qui décide quand… À très vite j’espère… ».

À peine sorti de la pièce je croisais Ève en compagnie de « prof ». Elle me fusilla des yeux, poussa presque son client dans leur salon avant de se retourner et de me saisir par le bras, déclarant : « faut qu’on parle » …     

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