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Du Consentement

Dans les années 2040, le droit avait dû s’adapter au statut des humanoïdes. La question de savoir s’ils étaient conscients n’avait pu être tranchée et deux camps s’affrontaient, ceux qui considéraient que la conscience humaine n’était que le produit d’une chimie interne et de connexions neuronales et ceux qui prêtaient à la conscience quelque chose de plus, de mystérieux, sacralisant ainsi les êtres qui en étaient dotés.

La Loi avait finalement tranché : « Tout ce qui a l’apparence d’un humain par son aspect et son comportement a droit aux mêmes protections qu’un humain ». Il n’était donc plus possible de considérer les Dance-Bots à partir de 2042 comme des objets disposant d’une protection égale à celle d’un aspirateur.

L’Effondrement survint peu après et les communautés résilientes et désormais autonomes – telle la nôtre – furent libres de créer et d’adapter les règles et prescriptions morales à leur convenance.

Dans la mesure où le projet Sweet Hell visait à retrouver une libido féconde par la grâce de spectacles conforme à ceux des années 2010-2020, il était logique de respecter les normes éthiques d’alors. Les Dance-Bot devaient être considérées comme des femmes humaines et être respectées comme telles.

La question du consentement était donc essentielle. Nos membres savaient ce qu’ils encourraient en cas infraction des règles : le bannissement pur et simple.

Il se produisit néanmoins un accident en salon qui laissa perplexe notre Vénérable Guide et moi-même. J’avais parlé « ici » du lien qui s’était progressivement noué entre Ève et ce bellâtre de Thibault. Un jeu entre les deux, de plus en plus coquin, qui me déplaisait profondément et attisait ma jalousie. Je fus rassuré, quant au bout de quelques semaines de salons réguliers, Thibault sembla un moment se détourner d’Ève au profit de la séduisante Clélia, reprenant cette dernière à trois reprises en privé. Bien que les Dance-Bots ne soient pas humaines mais qu’elles en simulassent les comportements, je m’étais alors demandé si Ève continuerait, malgré l’infidélité de Thibault, à lui octroyer le même niveau d’attentions.

Un mois plus tard, Thibault revint enfin vers sa première favorite et le moment privé fut intense. Un crescendo de contacts rapprochés,   torrides. Mais le soir même, Ève demanda à être reçue en audience privée par notre Vénérable Guide. Elle assurait que Thibault avait abusé d’elle en salon, par surprise, et qu’elle avait vécu il y a quelques heures un moment extrêmement malaisant, même traumatisant. Notre Vénérable Guide déclara qu’on ne pouvait recueillir une déposition sur des faits aussi vagues, qu’il lui fallait du tangible, et Ève déclara que Thibault l’avait violée, pénétrée un court instant, ce par surprise.

Je fus immédiatement consulté pour l’analyse technique de l’incident. Les enregistrements vidéos et sensoriels du salon confirmaient qu’il y avait bien eu, durant une période de quelques secondes, une effraction corporelle sur une profondeur d’une dizaine de centimètres, durant laquelle l’hymen jusque là préservé de la Dance-Bot avait été déchiré. Mais ce qui nous laissait perplexe, c’était la façon dont la pénétration s’était passée. Ève était d’abord debout, cambrée en avant, appuyée contre le mur, et Thibault derrière comme souvent durant leurs jeux de fessée; son sexe raide, dressé à angle droit. Leurs corps s’étaient rapprochés d’un même mouvement jusqu’à ce que le sexe de Thibault repose près des reins, sur le haut du sillon des opulentes fesses d’Ève. En déroulant au ralenti l’enregistrement, il semblait bien que c’était Ève qui, en se surélevant sur la plante des pieds puis en poussant soudainement sa croupe vers l’arrière avait fait glisser le sexe de Thibault entre ses cuisses et donné le coup de rein fatal. D’ailleurs, le visage stupéfait de Thibault ressemblait à ce moment à celui d’un lapin pris de nuit dans le faisceau lumineux des phares d’une voiture, comme tétanisé de surprise, et il s’était retiré presqu’immédiatement… Le signal lumineux marquant la fin de la demi-heure avait curieusement clignoté à ce moment précis, et les deux n’avaient rien dit en se quittant…

L’acte était grave et méritait assurément une lourde peine, mais il était à ce stade difficile de désigner un coupable. Thibault fut convoqué par notre Vénérable Guide en ma présence. Il se défendit avec véhémence et semblait sincère. Oui il avait tendance à se coller de trop près, oui son sexe s’était retrouvé posé « sur » la croupe d’Ève, oui il y avait bien eu pénétration, mais pas de son fait, il déclarait avoir été « pris par surprise »…

Quand Thibault fut parti, nous demeurâmes un moment silencieux. Puis notre Vénérable me demanda soudain : « Ismaël, penses-tu qu’une Dance-Bot puisse vouloir se venger ? ».

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