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En retrouvant Dolly au Jardin du Luxembourg je constatais amusé que même « en civil » elle gardait un goût immodéré pour les costumes. L’adage « En mai, fais ce qu’il te plaît» était étonnamment pris à la lettre : Dolly attendait assise à la terrasse du café de plein air surplombant le bassin central du jardin – « La terrasse de Madame » – vêtue d’une veste de tweed de laine rouge, aux franges de plumes noires et travaillée de motifs d’or. Le baroque était encore accentué quand m’approchant de sa chaise, je constatais qu’elle portait un bouffant tutu de dentelle crême. Je retrouvais avec joie sa tendance naturelle au spectacle, à l’exubérance, elle était vêtue comme si elle sortait du théâtre ou encore attendait un photographe de mode. Je déclarais sans hésiter « La plus belle fleur du jardin… ».
C’est en ce lieu et autour de cafés fumants et croissants que nous fîmes enfin connaissance, si on excepte cet unique salon, relativement convenable, qui disait moins de Dolly que son jeu extraordinaire en salle. Et, comme au théâtre, j’admirais sa spontanéité, son sens de la répartie, l’émotivité adolescente qui m’avait séduit et qui à nouveau empourprait ses joues.
Elle semblait toute aussi curieuse de moi que je l’étais d’elle et, à ses questions sur mes activités professionnelles, je répondais avec hésitation : « je crois que je fais du conseil, oui du conseil, on peut dire ça comme ça, du conseil…mais pas que… ». La réalité c’est que moi-même je ne savais plus trop, depuis une bonne quinzaine d’années, du fait d’une propension au zapping exempte de contrainte, de passions et de projets, avortés ou en devenir, je ne savais vraiment plus ce que je faisais, oui. Et dans un éclair de lucidité je déclarais : « Il n’y a pas de liberté sans contrainte ». Devant sa mine surprise, j’orientais la discussion vers le théâtre, ce que nous y cherchions chacun, comment elle était arrivée là, ce qu’elle pensait de ses deux premières semaines.
Elle était passée plusieurs fois devant la discrète façade en se rendant chez Gibert et s’était demandée ce qu’était cette devanture aux tons roses, cette image argentée de femme nue agenouillée, puis, comme souvent lorsque notre attention a imprimé une curiosité, était tombée récemment sur une annonce du même théâtre « Cherche danseuse… ». Elle avait aussitôt téléphoné, pris rendez-vous, passé une audition, assisté à une répétition, dû même écrire une lettre de motivation. Ce travail d’appoint, tel qu’elle le nommait, tombait à pic, car les horaires du théâtre étaient compatibles avec ses horaires de cours et, de plus, avec la période galère des plusieurs mois passés, Dolly avait sérieusement besoin d’argent. Elle disait adorer la scène et la liberté de création qui était laissée aux danseuses.
A propos de l’ambiance et de ces mêmes danseuses, elle déclarait qu’elle en aimait certaines mais se méfiait des autres, surtout les plus anciennes qui menaient la vie dure aux nouvelles, voyaient d’un mauvais oeil la concurrence, et considéraient certains clients comme leur propriété privée, au point de montrer les dents si on abordait leurs immobilisations comptables en costume-cravate, dont l’amortissement n’était point arrivé à échéance. Elles jouaient de l’intox sur ce qui était permis ou non en salon, limitaient les possibilités des nouvelles à leur maximum, tandis que discrétos elles faisaient ce qu’il faut pour garder leur cheptel. Ses propos sur la « direction » étaient par contre étonnamment « corporate »; on n’aurait probablement pas mieux dit lors d’un séminaire d’accueil chez Google ou chez Loréal : « X est une véritable commerçante, une pro très sympa et qui sait mettre à l’aise tout le monde. Il faut voir comme elle sait parler aux clients ! », « Y est hyper organisée, excellente gestionnaire et toujours de bon conseil. Parfois un peu trop pressante quand elle organise le planning », « Madame est une artiste méconnue, elle aurait pu faire carrière dans la haute couture, je te jure, elle conçoit et coud des costumes et des décors magnifiques. Mais surtout c’est une véritable femme d’affaire. Rien ne lui échappe ! »
Je me gardais bien de faire la moindre remarque quant aux appréciations dithyrambiques de la jeune Dolly, pas seulement parce qu’égoïstement je souhaitais qu’elle garde son entrain et sa fraicheur de débutante, mais surtout parce qu’au cours des dernières années les nombreuses confidences recueillies, détails relatifs aux arrières cuisines du théâtre, qui m’avaient d’abord intéressés je le concède, m’ennuyaient désormais prodigieusement, amoindrissaient mon plaisir, et, comme un gourmet dans un bon restaurant je ne voulais surtout pas connaitre la provenance et le curriculum vitae, tandis qu’il s’approchait de ma bouche, du tendre morceau bien saucé de filet mignon, je voulais juste le déguster, le sentir fondre sous mes dents… Mais, déjà paternaliste, eu égard au risque que Dolly prenait en me rencontrant, passible d’éjection immédiate, je lui conseillais de faire très attention à ses nouvelles « amies », de ne surtout pas fréquenter les anciennes qui, pour la plupart devaient leur longévité à leurs petites trahisons. J’ajoutais avec expérience que comme dans le monde de l’entreprise privée, le théâtre n’était qu’un microcosme exacerbé de l’ultralibéralisme ambiant, que l’ambiance en apparence feutrée de charme et d’érotisme dissimulait d’impitoyables rapports de force, entre danseuses, vis à vis des clients, des rapports commerciaux, concurrentiels et violents. Dolly souriait, et, tandis que je finissais ma phrase un peu longue, je sentais soudain par dessous la table pliante sur laquelle étaient posées nos tasses, un petit pied déchaussé, se frayer le passage entre mes cuisses, venir se blottir contre la tiédeur de mes couilles.
Dolly fit en rigolant le geste de fumer, me dit qu’elle en avait « de la bonne » chez elle, qu’il faisait un peu froid ici, et qu’on serait beaucoup mieux dans sa chambre. D’ailleurs c’était tout près…
En traversant le Jardin du Luxembourg, hormis la petite taille de Dolly, qui aurait pu faire croire aux promeneurs que j’accompagnais ma fille à quelque événement costumé de son collège, ce qui me frappait c’était ses commentaires érudits à propos des statues de reines, déesses et autres nymphes croisées, auxquelles elle superposait de façon comique des figures de danseuses du théâtre « tu trouves pas qu’on dirait T. ? » et, lorsque m’enquérant du nom de la célébrité réprésentée par un buste de bronze à laquelle la statue de marbre d’une jeune femme penchée rendait hommage en lui déposant des fleurs, elle répondait du tac au tac « Watteau ! Et la femme penchée est l’un de ses modèles » puis elle pouffait de rire et lançait « Tu trouves pas qu’on dirait qu’elle le branle ?« .

Une dizaine de minutes plus tard je me retrouvais, essoufflé par la montée des sept étages d’un raidillon de service, assis sur un matelas posé à même le sol d’une petite chambre de service, observant Dolly, chauffer de l’eau pour un thé, rouler un joint avec expertise, se débarrasser de sa veste et de son tutu, venir me rejoindre sur le « lit ». Une petite culotte de dentelle bleue lui moulait de façon insupportable sa magnifique croupe, épousait le bombé de son mont-de-vénus et le concave de sa jeune chatte, probablement entrouverte par la pression excessive du tissu.

Une heure plus tard, le petit corps en sueur de Dolly reposait sur le mien, mon sexe flaccide entre ses cuisses mouillées. Cela faisait bien trente ans que je n’avais pas fumé et baisé dans le même temps, de vagues souvenirs africains post-adolescents me revenaient, mais je ne m’étais jamais fait baiser comme cela, dans cet état, c’était une certitude. Car Dolly prenait étonnamment les choses en main : elle baisait avec énergie, exhortait telle une coach sportive durant les exercices, me surprenait par des demandes impromptues : « tu peux me frapper si tu veux ! », « Tires moi les cheveux ! », « claque moi les fesses ! »… puis, finissant accroupie sur moi lessivé, ses petits pieds de chaque côté de mes hanches, elle tenait le rythme du galop à merveille, et tandis que ma vue était obstruée par le balancier de ses jeunes seins et la pluie ambrée de ses cheveux, j’entendais les claquements humides de son bassin marteler le mien, le clapotis de nos sexes, ses ahanements convulsifs, jusqu’à ce qu’enfin son visage rond et cramoisi se relève, se crispe, et qu’écartant le surgeon de son clitoris elle se répande sur mon ventre. Car Dolly était aussi … très expansive !
Quand avant de se quitter Dolly me demandait si je pouvais « l’aider », je lui fut reconnaissant qu’elle traite la requête « après » plutôt « qu’avant ». Cette simple variation de timing dans la demande, prouvait une fois de plus sa grande intelligence : Dolly avait transformé, par une légère prise de risque, une vulgaire transaction commerciale entre deux entités autonomes mues par des intérêts égoïstes, en une relation (il aurait été naïf à ce stade de la déclarer amoureuse) faite de don et de contre-don. Sans obligation, si ce n’est ce besoin naturel et bien humain de réciprocité, de « Potlatch » pour parler comme les ethnologues. Bien qu’aux quelques détails de sa chambre minuscule et au désordre ambiant – probablement imputable à un laxisme « post-adolescent », j’eusses pu tel un inspecteur des impots comptant les nappes sales d’un restaurant me faire une idée de ses entrées-sorties, de son train de vie, je m’enquérais plus en détail de ses besoins, et dans un sans-gêne qui m’est naturellement coutûmier lorsqu’il s’agit d’être efficace, lui demandais de me détailler l’état de ses finances. De se justifier. Froissée, contrariée même, elle me jetait à la figure son dernier relevé bancaire et j’y notais un solde négatif de -150 euros. Sa chambre de bonne certes située aux abords du Jardin du Luxembourg lui coûtait 400 euros, je trouvais en sus des frais dentaires, de bouche, de fringues, de coiffure mais constatait surtout avec satisfaction de nombreux achats en librairie, à La Procure ou à l’Ecume des Lettres, dont témoignaient les piles d’ouvrages d’économie, de socio et de philo qui jonchaient sa console de travail. Et découvrais avec émerveillement que Maria K. (elle avait juste gardé le nom de sa mère et surtout pas de son père – « un connard » me confiera-elle plus tard) était en première année à Sciences-Po ! J’épongeais sans réserve le déficit de cette prometteuse étudiante, et même plus, avec la satisfaction de celui qui fait bonne œuvre, de façon toute aussi généreuse que Dolly avait peu avant épongé mes ardeurs.
Nous convenions de nous revoir très vite, au théâtre – j’étais déjà en manque en la quittant – et que, pour ne pas éveiller là-bas les soupçons, il convenait lors de mes visites ni de s’éviter, ni d’en faire trop, tout le monde connaissait mon attirance pour elle, il fallait surtout ne rien changer…
Nota : les aventures de Dolly, sont bien entendu une fiction, dont les seuls fondements sont les fantasmes de l’esprit dérangé de l’auteur 😉 .
Certains de mes « amis » (L’une des bonnes surprises dans ces théâtres, c’est qu’on y rencontre des personnes formidables ) me font part de leur état amoureux, de leur coup de foudre pour une danseuse, bien entendue merveilleuse, douée de toutes les qualités et…tellement en phase avec leurs pensées les plus intimes, véritable synchronicité, que de coïncidences extraordinaires, c’est incroyable !!! .
A la vérité, il n’y a pas de meilleur écran de projection que ces très jolies surfaces – avec ou sans profondeur. L’attachement amoureux peut être éphémère, par intermittence et se renforçant, parfois long dans la durée. La désillusion sera difficile, le détachement douloureux, peut-être violent. Certains toxicos ne sont pas dupes d’eux même, et savent que l’état causé par le cocktail évolutionniste des dopamines, sérotonines, ocytocines et autres hormones favorisant désir et attachement est la véritable fin en soi, car ses produits dérivés sont bien plus intéressants que leurs moyens d’accès : euphorie, énergie, créativité, jouvence…
Mais bercés par l’illusion chimique, l’on peut trébucher, « tomber » amoureux en s’imaginant des futurs rêvés avec la dulcinée. Et je suis parfois tenté de dire une gentille et camarade moquerie aux plus fragiles d’entre nous : « Tu t’es vu quand t’as bu ? » car j’ai une grande tendresse pour tous les illuminés qui tordent la réalité selon leurs désirs, fantasmes, qu’ils expriment en pensées, mots, folies Don Quichotesques, dépenses matérielles et émotionnelles. Mieux vaut vivre fou que terne (et le sexe en berne ca rime… ).
Le clou c’est lorsque des yeux brillants m’annoncent sur le ton de la confidence que LEUR danseuse n’est pas insensible à la relation, qu’elle serait même « tentée » par une liaison au dehors car éprouvant de véritables « sentiments », il me semble nécessaire de leur procurer une sorte d’éthylotest tel que celui que je livre ci-dessous (comptez vos points) :
Résultats : Si vous avez moins de 10 points, revenez vite sur terre tout en apprenant à savourer les plaisirs de l’asymétrie sentimentale. Avec un gros lot de consolation : « il est meilleur d’aimer que d’être aimé ».
Et je conclus sur cette très belle phrase que Pour-Rire avait cité à propos du livre « Paris est une fête » d’Hemingway : Celui-ci apercevant un jour une trés belle jeune femme dans un café de Montparnasse dira : « Elle ne le sait pas, mais elle m’appartient pour toujours ».