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Fictions érotiques

Ève


21 Novembre 2063,

Il ne faut jamais sous-estimer la force des premières expériences, qu’elles soient superbes ou traumatisantes. Elles nous déterminent à notre insu, et le reste de notre vie se passe comme si nous cherchions à les reproduire, les revivre dans leur exaltation première ou leur douleur.

Un unique écrit existait concernant la jeune femme qui avait inspiré la conception de notre « Ève primordiale ». Sauvée du déluge numérique d’avant le désastre.

Que notre Vénérable Guide n’ait aperçu qu’une fois dans sa vie cette danseuse au hasard d’heures volées à son emploi du temps lui importait peu. Au contraire, l’impression inouïe préservée par l’écriture était si puissante, qu’elle en était devenue fantasme obsédant.

Je livre ici le texte originel écrit par notre Vénérable Guide sur un forum et datant du 13 Juillet 2013, c’est-à-dire il y a environ cinquante ans.    

« La nana était jeune, avec de longs cheveux blonds comme les blés; pourvue de formes extrêmement féminines, notamment ses amples hanches et ses gros seins lourds. Son visage était sympathique. Souriant et provincial. Lors de son passage à ce jour « d’essai » au Show Girl, elle a débarqué sur scène entièrement nue et est venue vers chacun comme il était de coutume.  J’étais installé sur l’un des sièges de devant, à droite de la petite scène, et l’espace face à moi était donc libre ; ce qui fait qu’elle s’est posée sur mes genoux en me tournant le dos, penchée en avant jambes écartées, me présentant ses généreuses fesses blanches… À ma surprise, à peine assise, la jeune femme a commencé à faire sauter ses superbes fesses sur moi, en rythme, comme si elle me baisait. Dans cette position, je voyais rebondir sur mes cuisses son ample croupe charnue. L’état dans lequel je me trouvais était horriblement gênant. Un supplice qui a bien duré cinq minutes – un calvaire, une éternité –. Elle tapait sans réelle variation de rythme, avec une régularité de métronome, comme si en artisane d’un savoir-faire sexuel abouti, cette jeune compagnonne était absolument sure de l’efficacité de son oeuvre. Elle s’est un moment retournée vers moi, le visage empourpré de sueur, haletante, et m’a lancé de sa voix gouailleuse « alors, ça te plait !? », tandis qu’elle reprenait le martellement de mon bas ventre par ses fesses pleines de promesses. À un moment – vision d’apocalypse – j’ai aperçu ses seins pesants, se balancer d’avant en arrière, dans le mouvement régulier d’une horloge franc-comtoise. Elle était maîtresse du temps, je n’en pouvais plus, ce n’était pas possible, j’allais lâcher, pitié, et elle continuait méthodique, appliquée… Puis elle s’est encore retournée, rougeaude, et j’ai entendu « Dis, Tu me prends en salon ? aujourd’hui, c’est mon anniversaire, j’ai vingt ans… ».

C’était dit avec une telle franchise incongrue que j’ai failli de surprise me répandre dans le sillon des merveilleuses fesses qui enserrait le tissu de mon costume, à deux doigts des spasmes de la petite mort, qui me libérerait enfin de son emprise infernale …   

Mais pris de scrupules, du fait de la jeunesse, de son anniversaire, je ne sais plus, je lui ai filé un sacré pourboire, l’équivalent d’un salon sans passer par la case sous-sol, en lui souhaitant un bon anniversaire, et c’est la seule fois que je l’ai vue … ».

Cet unique texte synoptique, augmenté des recherches photographiques, des corrélations de notre vaste base ADN et du témoignage émouvant de notre Vénérable Guide ont fait office de « spécifications générales ». Mais la Genèse de notre Ève a été laborieuse et contrariée par les débats sur « l’idéal féminin », les tentatives de corruption pour répondre au goût de certains, ainsi que de nombreux problèmes techniques.

Fort heureusement la conception algorithmique du cortex de notre Créature, visant à produire le désir de la façon la plus simple possible, a été aisé. L’érotisme naturel produit par l’opulence nourricière de ses formes, par les nombreux signes de fécondité – visibles jusqu’au nombre d’or de son rapport taille-hanche -, par la simplicité de ses approches encourageantes, son apparente joie de vivre – fût-elle de silicium – nous ont comblé.  

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